Restitution de la séance de travail du mardi 21 juin 2022 à Augan.

L’on se croirait presque en vacances. Ce matin du 21 juin, à Augan (56), devant Timbre FM, la chaleur fait déjà tomber les vestes alors que le ciel dégagé affiche un soleil chatoyant. Il est 10h et les participant·e·s à la troisième journée du projet REC-EMI arrivent au fur et à mesure des quatre coins de la Bretagne. La radio nous offre un café. Les tasses passent gracieusement par la fenêtre de la salle de pause, au rez-de-chaussée, aux personnes à l’extérieur. Des retrouvailles charmantes dans ce bourg à la campagne. Une fois au complet, l’on se dirige à pied, à quelques mètres de là, comme une joyeuse bande d’écoliers en balade, jusqu’à l’auberge du Champ Commun. Une salle derrière le bâtiment nous accueille. Les fenêtres ouvertes laissent pénétrer les chants d’oiseaux environnants. L’endroit idoine pour une journée ouverte à la réflexion. 

Comme à l’accoutumée, désormais, les tables placées en U invitent à la discussion, au débat. Nos deux chercheurs sont côte à côte et Xavier Milliner est en face, afin d’animer la session de travail. François Sorin, vêtu d’une chemise à fleurs style 80’s et de tongs, assume l’été naissant. Le style tranquille, en quelque sorte familier, qu’accompagne avec intelligence la méthode universitaire qu’appliquent Barbara Fontar et lui. Comme une synthèse esthétique de ce que peut représenter la recherche collaborative.

Cette fois-ci, six praticien·ne·s se sont libéré·e·s pour participer à la réunion de travail. Une personne seulement, n’a, hélas, pu se joindre à nous. L’on rentre rapidement dans le vif du sujet. Xavier présente la synthèse de la réunion précédente, à Rennes, sur le rétroprojecteur.

« Pourquoi faire ce recensement et à quoi va-t-il servir ? »

Nos deux chercheurs ont déterminé un angle de réflexion, qui vise cette séance, à construire un recensement des actions et des ateliers que pratiquent les radios en lien avec une autre institution. Une problématique choisie, car elle permet d’englober une grande partie des actions entreprises par les structures. François commence, « j’ai envie que l’on se pose une question collectivement : pourquoi faire ce recensement et à quoi va-t-il servir ? Les réponses que l’on va donner à ces questions vont orienter les choix de conception de cet outil ».

Après un silence, plusieurs personnes répondent : « pour moi, ça serait voir les possibles de ce que l’on fait. Par exemple, moi je fais ça et non pas ça. Quelles sont nos actions ? » ; « savoir quels publics participent aux ateliers et lesquels n’y participent pas », ou encore « y a-t-il dans le temps une évolution de nos activités et est-ce que ça raconte quelque chose des choix que l’on fait en interne dans nos radios ».

Barbara, dont la prunelle sombre appuie un regard intense, celui-là même qui illumine son visage lorsqu’elle sent une hypothèse émerger, lance pour résumer : « vous voudriez savoir quelle est l’évolution et si elle est commune à vos radios ? ». Un oui consent au compendium, quand une autre personne ajoute, « et voir aussi géographiquement s’il y a des différences ou des choses communes ». La piste est lancée. François continue « il serait intéressant de voir également quelles structures financent les actions ». Une autre personne prend la parole et semble rassembler les interrogations des uns et des autres, « ce recensement doit nous servir à quelque chose, il faut que l’on ait une idée de ce que l’on peut en attendre, afin de rendre lisibles et objectifs les éléments qui vont nous permettre d’interroger des phénomènes ».

Définir l’outil de recensement

À ce stade, les chercheurs vont pouvoir se reposer sur les expériences personnelles des praticien·ne·s, à propos des différents types de commandes qu’ils et elles peuvent recevoir. Avec l’idée de les mettre en commun et d’en retirer des réflexions ou à minima des hypothèses qui seront suivies par la suite. Si toutes ces choses à chaud sont précieuses, désormais, l’idée est de répertorier celles-ci, par des données plus froides et objectives. À savoir le recensement des actions. Il faut comprendre, par-là, des tableaux Excel, par exemple, qui seraient construits à partir des actions documentées.

Afin de mettre en place cet outil, le débat est lancé, dans un « ping pong » bienveillant, la réflexion se construit au fil des questions. De la durée moyenne des ateliers, au type dominant d’atelier, jusqu’aux sources de financement… Inévitablement se pose la question de la date où pourrait débuter ce recensement. La question essentielle est : jusqu’où peut-on aller pour que ce soit possible pour les radios, d’une part, et faisable, d’une autre part, pour nos praticien·ne·s. Car, comme nous le savons déjà, si une chose leur est bien précieuse, c’est le temps.

Et puis, il y a aussi l’Histoire. Il y a un avant / après covid ; il y a un avant / après les attentats de Charlie Hebdo, puis la mort de Samuel Patty ; la présidence de Nicolas Sarkozy, où dès ce moment, les associations ont été impactées par une baisse de subventions… L’éducation aux médias et à l’information faite par les radios locales et associatives en est nécessairement tributaire.

Une pause est de mise. L’on sort pour fumer une cigarette ou se dégourdir les jambes. Le cadre est idyllique. Un joli jardin, négligé à l’anglaise, et en face, une terrasse qui monte jusqu’à l’auberge, où s’active déjà la cuisine. On sent que l’on commence à se connaître, les questions restent sensiblement les mêmes. L’un demande à l’autre, il te reste des ateliers ? « Oui encore deux, mais ça se termine en fin de semaines, après vacances ! ». Mais l’on sent qu’une forme d’intimité s’installe. Une confiance qui naît aussi du protocole appliqué lors des séances de travail.

Confiance et partage au cœur de la recherche

Au retour, nous voilà en plein dans l’actualité. Une tribune nationale parue dans le journal « La voix du Nord » est sortie le 31 mai 2022, concernant l’éducation aux médias. Beaucoup l’ont déjà lue, mais l’on s’accorde un temps pour la lire à nouveau. Ce sujet va occuper nos réflexions jusqu’à la pause de midi. Elle permet de faire des parallèles avec le travail de chacun·e et de sonder à chaud les réactions. Une sorte de mise en abîme de leur quotidien, mais qui extrapole bien plus loin : de la radio aux réseaux sociaux, de l’éducation à la chasse aux fake news… Une matière intéressante pour nos chercheurs et qui permet un partage tout aussi enrichissant pour nos praticien·ne·s.

Nous déjeunons dehors, sous des parasols. Autour d’un repas roboratif, les discussions ne s’orientent plus exclusivement sur le quotidien à la radio. Le groupe échange. On se sent à l’aise, c’est une convivialité qui redonne des forces pour l’après-midi.

À 14h, place à l’analyse de la pratique. Elle se déroule en trois temps : une personne propose un récit d’expérience, un moment de sa pratique professionnelle qu’il choisit de présenter. Soit parce que ça lui a posé problème, soit parce que ça lui parle ; puis de la diffusion d’un extrait de ce qu’a donné l’atelier. Dans un second temps, on pose des questions de précision pour comprendre comment cela s’est passé. Et enfin, avec l’appui de l’animateur, l’on essaie de faire émerger les savoirs d’expériences et ce que cela peut faire apprendre des pratiques communes.

C’est un moment de partage, sans tabou : tout ce qui est dit ici, comme il en a été convenu dès la première séance de travail, ne doit pas sortir de la pièce. Deux personnes vont présenter leur sujet. Sans surprise, c’est intéressant. Les expériences sont parfois vécues par d’autres et font émerger d’autres histoires qui font échos… Témoignent de pratiques communes ou au contraire de choses que certaine·s n’ont jamais tenté. C’est extrêmement enrichissant.

La journée de travail se termine aux alentours de 16h30. Elle aura été constructive, aura permis de poser des questions essentielles et la mise en place future d’un outil de recensement. Un point organisationnel est de mise. Un impératif : il faut se voir d’ici l’automne. À nouveau, les crispations calendaires liées aux emplois du temps déjà bien remplis… mais tous et toutes sont motivé·e·s pour la prochaine séance. Peut-être même sent-on une certaine impatience.