Retour sur « les assises de l’éducation aux médias et à l’information » au festival Longueur d’ondes #19 et sur la séance de travail #7
Le rendez-vous pour une rencontre autour du projet REC-EMI au festival Longueur d’ondes était donné depuis décembre 2022. À ce moment, les brèves réticences de certain·e·s avaient été éloignées par une perspective réjouissante : nous allions « crâner au festival de la radio ». Il faut dire que l’intitulé de la rencontre « les assises de l’éducation aux médias et à l’information », rendait solennel, et par conséquent, bien réel, un travail qui pour le moment n’était resté cantonné qu’à nos échanges en petits comités ou au milieu feutré de la recherche. Cette restitution et ces interactions en public, dans le cadre des rencontres professionnelles d’un festival bien identifié et prestigieux (ne dit-on pas le Cannes de la radio ?), marquaient un moment important pour l’équipe.
C’était d’une part l’occasion de faire un point sur l’avancée des travaux, alors que l’aventure fêterait bientôt sa première année ; d’autre part un moment de confrontation, et ce avec des professionnel·le·s de la radio, de l’EMI… ; enfin, et ce n’est pas à négliger, l’heure et quart de partage avait été préparé dans l’optique de faire intervenir nos deux chercheurs, notre coordinateur et nos practicien·ne·s. Comprenez : nous allions assister à la première prise de parole des praticien·ne·s et constater si oui ou non, iels s’étaient emparé·e·s de l’étude, et si, de fait, nous étions capables d’assumer collectivement les premiers résultats de nos travaux…
Une restitution à sept voix
Ce vendredi 3 février à 10 h, nous nous retrouvons à la maison internationale de Brest, dont les locaux se situent juste en face des immenses Capucins (« le plus grand espace couvert d’Europe » peut-on lire placardé à divers endroits du lieu) où se déroule le festival. La salle qui nous accueille est de dimension plus modeste et se remplit rapidement. Un rétroprojecteur crache sa lumière sur le mur blanc, donnant le menu à venir « les ateliers radios au prisme de l’EMI » ; devant, juste en dessous, notre équipe se tient dans des dispositions qui font penser à La Cène de De Vinci (oui, rien que ça). À cela près qu’ici, on se passe le micro et non le pain, quand le vin a été troqué par du café. Ce sont cinq de nos dix practicien·ne·s qui sont venu·e·s ce jour, accompagner Barbara, François et Xavier. Un praticien est à côté d’un chercheur qui est à côté d’un autre praticien, etc. C’est visuellement fort : il n’y a pas le savoir d’un côté et la pratique de l’autre.
Notre coordinateur commence les présentations, puis Barbara revient sur l’histoire et la particularité des radios associatives, héritières des radios libres : elle retrace la loi Léotard de 1986, la création du Fond de soutiens à la création radiophonique (FSER) (qui reste la principale source de financement des radios), la loi Trotman en 2000 qui implique aux radios de produire une communication sociale locale… « Les radios associatives se trouvent donc à la croisée entre le champ médiatique et associatif », résume-t-elle. Ensuite, elle aborde ce qu’implique de mener un tel projet de façon collaborative et participative, avant de détailler plus précisément l’étude.
C’est à partir des événements de Charlie Hebdo, que notre équipe estime qu’un changement s’opère autour de « l’EMI ». C’est une base de données des actions menées à partir de cette date par les radios que nous avons entrepris de créer, celle-ci en contient désormais plus de 600 ; lesquelles seront analysées, par nos chercheurs, Xavier et Raphaël.
Nos praticien·ne·s, ont eux·elles pu décrire les actions qu’iels mènent : il existe une pluralité des formats utilisés en radio et donc des productions radiophoniques. La diffusion est quant à elle, considérée comme un instrument pédagogique qui crée une condition de « sacralité ».
À mesure que l’étude se dévoile, nos praticien·ne·s prennent tour à tour la parole, afin de livrer un moment précis de leur pratique ou un point qu’iels souhaitent mettre en avant, parfois illustré d’un son qu’ils ont choisi. C’est riche, ça rebondit sur une chose, sur l’autre. Chacun.e parle avec aisance. Cela donne presque l’impression d’être dans une de nos journées de travail, à cela près qu’ici, je peux tout relater (la porosité, toujours).
Chercheurs et praticien.ne.s sur un pied d’égalité
Pour revenir à la Cène, si c’est cette image qui m’a immédiatement traversé l’esprit, ce n’est pas tant pour être pompeuse que parce qu’elle renvoi à l’idée du cénacle. Lequel signifie, d’après le Larousse, N.M (littéraire) : comité restreint, cercle de gens de lettres, d’artistes ayant des conceptions communes. Et par analogie à un groupe restreint dans lequel on réfléchit, apporte de nouvelles idées ou chacun.e apporte quelque chose à sa façon et dont on respecte l’intégrité morale… (à l’image du Cénacle dans lequel rentre Lucien de Rubempré dans les Illusions perdues de Balzac. Roman qui procède par ailleurs, d’une critique du journalisme à la fin du XIXe siècle). Et c’est bien dans cette configuration du cénacle que ces échanges pourraient le plus ressembler. Chaque praticien·ne a sa place et peut relater une expérience précise, au même titre qu’un chercheur. Le soir de la rencontre, c’est une Barbara ravie, grand sourire et yeux pétillants, qui confie à la volée, « je suis super contente de voir qu’iels se sont totalement emparé·e·s de la recherche ».
Mais retournons à la maison internationale : « on peut dire modestement que l’on essaye de construire cette identité professionnelle », lâche Xavier Milliner ; alors que l’on revient à la première question que nous nous sommes posé·e·s « comment nos praticien·ne·s se définissent et définissent leur pratique ». Et c’est peut-être la phrase qui résume le mieux ce que nous sommes toutes et tous venu·e·s faire à ces assises.
François embraye et développe les hypothèses. Si d’habitude, c’est à une recherche en mouvement que j’assiste, où l’on saisit les moments de flottement et ceux d’avancée, ici, je prendre de face celle qui s’écrit. Je n’avais pas encore saisi où nous allions et c’est avec grand plaisir que je me rends compte que derrière les tableaux blancs que griffonne François frénétiquement, nos chercheurs mènent de solides réflexions passionnantes !
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