BREST 103.8 FM

La radio associative rock de Brest depuis 1982.

CONTACT
frequence.mutine@orange.fr
Fréquence Mutine
Centre Social De Kerangoff,
Rue du Maréchal Franchet d’Esperey, 29200 Brest

 C’est quoi FRÉQUENCE MUTINE ?

Radio Kerango(ff) émet pour la première fois le 22 février 1982. Elle deviendra l’année suivante Radio Quartiers Brest (RQB), puis finalement Fréquence Mutine en 1984.

Au cœur de son ADN : accompagner l’émergence musicale de son territoire. La station se revendique libre, alternative et engagée. Elle travaille à n’utiliser que du matériel de seconde main issu du circuit-cours.

Tous les ans, depuis 2002, elle organise sa « Foire aux Disques & BDs », reconnue comme une des plus importantes du grand ouest.

 à la découverte de
 Fréquence mutine

[Initialement publié le 13 janvier 2023]

« C’est gris, il pleut, ça sent le soja. Vous écoutez Fréquence Mutine, 103.8 FM à Brest. » Ce slogan, simple et efficace, s’affiche sur l’un des derniers t-shirts qu’a floqué la radio. En deux phrases, il résume l’ambiance du port de Brest et réussit à cristalliser cet esprit propre aux brestois.e.s : une fierté, qu’accompagne une dérision teintée d’un amour de la loose un peu douteux. Dans le mille, mais rien d’étonnant : la radio se revendique de Brest pour Brest. Et ça lui suffit. Elle n’a jamais manifesté de volonté d’expansion et ne compte pas s’y mettre. Il faut dire qu’ici, Fréquence Mutine, c’est un peu comme le pont de Recouvrance, la place Guérin un soir de fête ou la rue de Siam un jour de pluie. Un emblème brestois auquel les gens s’identifient.

 

Made in Kerangoff

Depuis 1982, la radio émet du quartier Kerangoff, situé rive droite à Brest. Un centre social à l’apparence décatie, s’y impose par sa forme ronde. Comme un immense escargot qui se déroule au milieu des lignes parallèles que forment les immeubles alentour. C’est dans le sous-sol de celui-ci que Fréquence Mutine a pris ses quartiers, il y a maintenant quelques décennies. Dans le couloir d’entrée, cinq armoires en métal sont recouvertes de stickers en tout genre (radios, labels, groupes…) qui remontent le temps. Elles sont remplies de CDs « on ne sait pas trop quoi en faire, certains veulent les bazarder, d’autres les garder. Moi, je serais plus pour les donner », explique Cédric Fautrel alias Gomina, le programmateur de la radio. Une manière aussi de gagner un peu de surface dans des locaux de taille modeste. « On aimerait avoir plus d’espace », souligne l’homme, aux cheveux bruns grisonnants, « on a demandé à être relogé par la ville », il s’arrête un temps, puis reprend « mais on l’aime notre rive droite ». D’autant que dernièrement, la radio a pu obtenir un bureau à l’étage juste au-dessus « on va pouvoir y mettre tout l’administratif, ça sera plus simple », se félicite Gomina.

L’homme y est salarié depuis déjà 20 ans. Une histoire débutée un peu par hasard, grâce à une collègue de fac, alors qu’il était étudiant à Brest. Il y devient bénévole et y produit une émission consacrée aux labels de musique, puis devient vice-président de l’association avant d’y être embauché. Désormais, le programmateur y anime le « Gomina Show » quatre jours par semaine, s’occupe de la vie associative, des partenariats, et depuis peu, du côté administratif. Pour l’aspect éditorial, c’est Anaëlle Abasq (par ailleurs la réalisatrice de notre podcast « L’île aux femmes ») qui l’accompagne depuis un an et demi, épaulée par Léa en service civique. Mais la jeune journaliste s’en va pour de nouvelles aventures. Ce jeudi-là, d’ailleurs, c’est le premier jour de sa successeure : Inès, ancienne service civique à Radio U. Un choix qui démontre les bons rapports entre deux stations brestoises : elles s’entendent à merveille et collaborent sur de nombreux projets. Elles ont d’ailleurs fêté leur 40 et 20 ans respectifs ensemble, en novembre 2022. Tandis que les deux femmes amorcent la passation dans le studio, Gomina me raconte l’histoire de la radio.

 

Indépendante et alternative

Tout commence avec une petite bande de Kerangoff qui récupère l’émetteur de radio Plogoff (l’arrivée de Mitterrand au pouvoir signe le début des radios libres et la fin du projet de centrale nucléaire dans le Cap-Sizun, clap de fin pour la radio pirate). « Mais il était ultra puissant et diffusait jusqu’à Paris. Tout en créant des interférences, notamment avec l’armée à Brest. Ils se sont faits taper sur les doigts et puis, ils ont rectifié », retrace l’homme avec humour. La radio de quartier s’enrichit au fil du temps, mais sans trop se développer, « on aurait pu le faire, mais on aurait perdu l’âme de Mutine », estime Cédric. Son âme justement : très musicale, rock, alternative, indépendante. Personnifiée dans son logo par le dessin d’une jeune femme (il s’agit de la chanteuse Jo Lemaire). « On veut garder et valoriser l’esprit alternatif d’une radio libre. Quand tu arrives ici, tu ne t’attends pas à ça », dit-il en souriant. Et c’est vrai ; la plupart des éléments du studio sont composés d’objets issus de la récup’. Une volonté de rester dans cet esprit Do it Yourself propre aux radios libres, mais aussi, dans une démarche responsable : montrer que l’on peut faire de la radio avec du matériel de seconde main, issu du circuit court. Engagée, toujours, comme sur le plan éditorial. Si elle ne traite pas de politique, elle traite en revanche de société, en ayant gardé l’esprit libertaire de ses débuts.

Radio résiliente

En 40 ans, forcément, la radio a connu des hauts et des bas. « Elle a failli fermer au moins dix fois », rappelle Gomina. Entre autres moments difficiles, le décès soudain de Rémy Talec, journaliste et personnalité historique de la station en 2019. Un gros coup dur, mais la radio et son équipe sont résilientes. Mutine se relève et se prépare pour l’avenir. Le fonctionnement de la radio est désormais plus structuré. L’arrivée d’Anaëlle il y a deux ans a ouvert la radio à de nouveaux sujets, notamment autour de la place des femmes dans la société, de la scène rap… Les invité.e.s sont également plus jeunes. « On a été attentif à ces sujets. Anaëlle a mis sa patte et Inès va maintenant être maître de son navire », annonce Gomina avec confiance. Le tout, en gardant le sel de ce qui fait Mutine, avec sa quarantaine de bénévoles, aux commandes d’émissions parfois cultes. Comme Le « Balapapa », où Martine diffuse chaque dimanche matin du bal musette durant trois heures. Une vraie institution, qui dure depuis les années 1980 et largement écoutée, notamment par des seniors.

En 2023, la radio commencera à émettre en DAB+ sur le territoire de Brest et son site internet se fera une petite fraîcheur avec une refonte. Les projets, quant à eux, se multiplient. Entre autres, la station va bientôt signer une convention avec Emmaüs. L’idée ? Installer un petit plateau radio au sein des locaux du Relecq-Kerhuon (29) et créer une émission avec les compagnons. Au cœur de son ADN, aussi, la découverte et l’accompagnement de la scène locale. Depuis 2020, la station anime l’émission Stud’ Radio, toutes les deux semaines avec Radio U, qui fait la part belle à la vie culturelle et musicale brestoise. Elle se décline désormais en une soirée avec une émission et un concert, tous les mois à la salle du CLOUS. « C’est une heure d’émission et de live, où le groupe est rémunéré. Gratuit pour les étudiant.e.s et à prix libre pour les autres ». Un prolongement logique de son travail autour de l’émergence musicale.

Un pompier fait irruption dans les studios, accompagné de collègues en civil. Un exercice d’évacuation coupe court à nos échanges. Nous sortons lorsque l’alarme stridente commence à résonner. Une petite trentaine de personnes se retrouvent à l’extérieur du centre social, ça discute dans une ambiance bonne enfant de petit village. En face, un éclat bleu saute aux yeux à la faveur d’une éclaircie : la radio a vue mer.