La déclinaison de Seniors on air à Plum’FM se nomme « La bèle âje ». C’est Jessica Quirin, la directrice de la radio qui anime ces ateliers à la résidence Roussadou, l’EPHAD de Malestroit (56). En avril 2022, une journée de visite et l’enregistrement d’une émission de radio ont eu lieu au musée de la résistance à Saint-Marcel (56). Retour sur ce moment fort pour découvrir l’univers de ces ateliers radio.

Depuis la rentrée 2021, Plum’FM poursuit sa déclinaison de Seniors on air « La bèle âje » avec la résidence Roussadou, l’EPHAD de Malestroit. C’est Jessica Quirin, la directrice de la radio qui s’en occupe : « j’ai rencontré le directeur de la structure et la cheffe de service l’été dernier. Ils ont été directement emballés par le projet, tout comme Mélanie Leboidre, l’animatrice en charge des ateliers », explique-t-elle, avec un ton enjoué qui trahit chez elle aussi un enthousiasme. Elle s’y rend deux fois par mois depuis septembre 2021, accompagnée de son technicien en service civique, Louis. Une fois pour enregistrer et la seconde (après avoir procédé au montage de l’émission) pour une séance d’écoute, afin que les résident·e·s puissent donner leur consentement à la diffusion. « C’est un moment d’écoute presque religieuse », témoigne la femme de sa voix douce et volontaire caractéristique.

Un groupe d’une vingtaine de résident·e·s motivé·e·s, celles et ceux avec l’envie et les capacités de parler a été constitué dès le début par Mélanie Leboidre. Généralement, c’est huit personnes qui prennent le micro, quand les autres restent écouter. Créant au passage des liens entre celles et ceux qui ne viennent pas des mêmes services. « Il y a une bonne équipe, maintenant ils se connaissent bien. Ils me connaissent aussi. Ils sont plus à l’aise, ils attendent la radio avec grande impatience. Ils sont volontaires, ils ont envie quoi », décrit Jessica.

Chaque mois, un sujet d’émission est choisi avec les participant·e·s « c’est un projet dans lequel ils sont partie prenante. Ils ont la liberté de participer aux émissions de leur choix et l’échange est libre durant l’enregistrement », rappelle Mélanie Leboidre. « Et le fil rouge des émissions, c’est souvent la guerre, comme si le temps s’était arrêté à cette période-là de leur vie », indique Jessica. Alors quand Mélanie lui parle d’organiser une sortie au musée de la résistance à Saint-Marcel (56), la directrice de Plum’FM n’hésite pas à se greffer au projet, « je trouvais ça génial de pouvoir les suivre et d’enregistrer une émission là-bas ! ».

Une visite tant attendue

Le rendez-vous est donné au musée de la Résistance à Saint-Marcel (56), le mercredi 27 avril 2022. Une lumière printanière baigne le parking à l’ombre des pins. Devant le musée refait il y a peu, notre groupe de retraité·e·s est arrivé en avance, accompagné de bénévoles de l’EPHAD et de leur animatrice Mélanie Leboidre. En tout, c’est une quinzaine de personnes à avoir fait le déplacement. La journée est importante : cette sortie, ils l’attendent depuis des mois. Jessica va d’emblée saluer chacun·e et s’enquiert des nouvelles. Tous et toutes sont ravi·e·s de la retrouver. On le sent, une relation privilégiée s’est installée entre elle et ses protégé·e·s.

L’on commence par la visite du musée. Jessica dégaine son petit enregistreur afin de glaner à la volée, les souvenirs et les impressions parfois fortes des résident·e·s. Ils ont tous et toutes plus de 90 ans. Ils ont donc connu la guerre, et tous originaires du coin, parfois ici même, à Saint-Marcel. Dans un décor qui reproduit une rue sous l’occupation, devant un bistrot et sous un graffiti « vive le Général de Gaulle », un guide dialogue avec les ancien·ne·s. Les témoignages affluent, et rapidement, c’est le guide qui se retrouve à écouter avec intérêt les interventions. Pour l’une des femmes, ce sont des réminiscences douloureuses qui se réveillent, le micro fait aussi office de réceptacle cathartique.

Après un déjeuner tous ensemble, aussi revigorant que sympathique, l’on a pris un peu de retard. L’enregistrement de l’émission commence finalement à 15h. Louis, le technicien, vient d’installer le studio mobile dans une salle attenante à l’accueil du musée. Autour, les bénévoles de l’EPHAD s’installent sur des chaises un peu à l’écart pour écouter l’émission. Cinq micros aux bonnettes multicolores sont disposés sur trois tables installées en U. Jessica au centre anime, pose les questions, relance et tend les micros. Dans une chorégraphie bien orchestrée, Louis, attentif, allume et éteint les micros au rythme des prises de parole. Pas toujours évident. La troupe peut parfois être indocile et le brouhaha difficile à rendre audible au montage s’installe. Jessica recadre avec beaucoup de douceur et de diplomatie ceux qui sont trop bavard·e·s. « Ah non, attention Alexis, je vous embête à chaque fois avec les micros, mais sinon on ne peut pas vous entendre ». Alexis, qui parlait à sa voisine, Emilienne, prend un micro avec allant et le tend à sa camarade pour que l’on entende son témoignage. Puis c’est lui qui prend la parole. Fluide, drôle, un brin cabotin. Jessica m’avait prévenu, c’est un peu « la vedette » des émissions.

« C’est un rayon de soleil dans la monotonie de l’EPHAD »

Autour de la table, il y a autant de femmes que d’hommes. Ces derniers ont plus de facilité à prendre la parole. « Les dames sont plus à dire « mais je n’ai rien à dire moi, moi je ne m’en souviens pas ». Et en fait quand tu creuses un peu, elles ont toujours des choses à raconter », interprète Jessica. Et effectivement, lorsqu’elle les titille un peu, vient chercher le témoignage, elles prennent confiance et racontent leur histoire.

Mélanie aussi passe le micro aux résident·e·s, elle s’est bien habituée à l’exercice. On le sent, elle y prend du plaisir, apprend des interventions de chacun·e, elle estime : « malgré ce que nos anciens ont à nous transmettre, ils sont peu présents dans les médias. L’émission est l’occasion de faire ressurgir leurs souvenirs pour nous faire découvrir un mode de vie qui a bien changé, pour nous faire revivre des évènements passés. C’est un véritable travail de mémoire ». Ce qui rejoint le sentiment de notre vedette, Alexis, « la radio, ça me plaît, je dis ce que j’ai vécu et c’est réel. J’espère que ça fera réfléchir la jeunesse et que ça servira pour les écoles ».

Après 1h d’enregistrement, notre joyeuse bande reste motivée. Jessica qui avait peur qu’ils ne soient fatigués après une matinée bien remplie constate avec plaisir qu’ils ont toujours la forme, « c’est intense pour eux·elles, comme pour moi, après une séance je suis souvent vidée ! ». Il faut aussi le dire, ce musée, lieu de mémoire et de transmission, se prête bien à cet exercice radiophonique. Alors on pousse une demi-heure de plus les réjouissances. À la fin, les résident·e·s sont content·e·s et dans le petit public, on a mal aux zygomatiques à force d’avoir souri et rigolé. Avant de rentrer à la résidence, Jean qui participe depuis septembre aux émissions, glisse « ça nous permet de faire des rencontres. C’est un rayon de soleil dans la monotonie de l’EPHAD ».