C’est une fin d’après-midi tranquille à Plum’FM. Dans l’espace de travail, quadrillé de bureau, l’on s’active moins et l’arrivée d’un bénévole, Matao Rollo, donne l’excuse à une pause bien méritée. L’ancien salarié dédié au Gallo échange volontiers avec l’un de ses successeurs Matlao Ghiton. Les deux s’émeuvent d’un phénomène : les noms de boutiques en breton qui fleurissent dans le coin depuis quelque temps. « Ces personnes ne sont pas forcément au courant des spécificités linguistiques du territoire », se désole Matlao, « Mathieu en français, mais ici, je porte fièrement ma casquette gallèse ». D’autant qu’à Plum’FM la langue de Haute-Bretagne (la frontière linguistique entre le breton –langue celtique- et le gallo –langue d’oïl- se trouve –en gros- de Saint-Brieuc à Vannes en passant Loudéac) est représentée depuis déjà 20 ans. Si le breton jouit d’un activisme et d’une défense depuis des décennies, pour le Gallo cela a pris bien plus de temps (pour aller plus loin, lire l’article de Bikini « Le gallo au petit trot »). « Il a longtemps été considéré comme un patois et beaucoup le considère toujours comme tel », regrette l’homme de 40 ans, dont la chevelure longue et la barbe fournie d’un châtain foncé impeccable, lui font paraître quelques années de moins. « Mais aujourd’hui, les choses ont un peu évolué, notamment avec l’introduction du Gallo dans le plan linguistique du Conseil Régional de Bretagne en 2004, en y précisant qu’il s’agit d’une langue romane spécifique à notre région, au même titre que le Breton ». Matlao connaît son sujet, mais plus encore, il en est passionné.

Gallo d’essai

Après s’être essayé à la musicologie à l’université Rennes 2, Matlao passe une licence de… breton. « Mais je n’ai pas pratiqué cette langue depuis tellement longtemps que je ne sais pas si j’arriverais encore à la parler. J’y ai appris beaucoup de choses, notamment en linguistique ». En parallèle, il entend parler Gallo depuis son enfance, passée à la limite des Côtes-d’Armor et de l’Ille-et-Vilaine. Il estime, « j’ai eu de la chance qu’un oncle mette le mot Gallo sur cette langue qui était parlé, très tôt j’ai pris conscience de sa richesse ». Une transmission s’effectue alors, en partie, avec sa grand-mère. Son apprentissage se parfera grâce à une personne qui pratique la musique traditionnelle dans sa commune et qu’il accompagne lors de ses collectages. Un moment où il va également se former à cette dernière discipline. Entre 2008 et 2015, Matlao trouve le post idéal à ses compétences à Chubri (l’Institut d’inventaire et d’étude linguistique du gallo) où il fait ses armes dans le collectage. Avant de le quitter pour devenir animateur à Plum’Fm.

La radio comme outil de transmission de la langue

Novice en radio, Matlao se forme sur le tas, « mes premières fois en direct, c’était un peu des moments de panique », il rigole, « mais à Plum’FM il y a une grande tolérance et l’on y apprend vite ». La radio, il l’envisage comme un formidable outil de transmission pour la langue : « entendre parler le Gallo à la radio, c’est hyper formateur. Parfois, quand on discute avec certaines personnes, selon le vocabulaire utilisé, on se rend compte qu’ils ont écouté la radio. Je me sens un peu la responsabilité du vocabulaire que l’on va choisir ». Loin d’être un magistère pour autant, il cherche surtout à y inscrire le Gallo dans le présent, tout en perpétuant une façon de le parler qu’on lui a transmise. Et parfois, ça crée des moments émouvants, comme cette fois où il reçoit un coup de fil d’un parisien exilé depuis quelques décennies, qui, tombé par hasard sur le site internet de Plum’, s’est retrouvé transporté dans son village natal et son enfance. « C’était très fort », reconnaît-il pudiquement.

Hormis le gallo, Matlao confesse une passion pour la musique et fait l’éloge d’une émission de Canal B, diffusée aussi sur l’antenne de Plum’FM, « ça s’appelle « Sabotage temporaire », c’est réalisé par Quentin un ancien service civique passé ici. J’y découvre toujours des trucs chouettes ! ».