Elle vous regarde avec de grands yeux volontaires et répond aux questions d’une voix au timbre posé sans être trop grave. Le sens de l’écoute et la faculté de transmettre. Une combinaison parfaite pour susciter l’attention. Idéale à l’antenne. Primordiale lorsque l’on fait de l’éducation aux médias : charge qu’occupe Isèle Vincent au sein de Radio Balises à Lorient. Un poste dédié à des ateliers radiophoniques et de l’éducation aux médias. Dont le résultat est diffusé hebdomadairement dans l’émission « Premiers pas radiophoniques ».

« Quand on ouvre le micro ça change tout ! »

Si la femme de 37 ans y est salariée depuis deux ans, elle s’investit dans le projet « Balises » depuis le début en 2017. Surtout, la radio et elle, c’est une longue histoire. « Ça fait 15 ans que j’ai commencé à faire de la radio. J’en écoutais beaucoup et j’ai appris en autodidacte ». À l’époque, un projet de radio campus est en discussion à Lorient, mais celui-ci capote. C’est la naissance de l’aventure « La compagnie des ondes » (une webradio née en 2006 qui faisait la part belle à la création radiophonique et à l’éducation radio populaire) ou elle fait ses gammes. En parallèle, après des études de Lettre Moderne, elle travaille durant 6 ans en tant qu’assistante d’éducation dans un lycée pro. Un apprentissage dans ses rapports avec les jeunes et  dans sa capacité à gérer des groupes, même ceux qui n’ont pas envie de s’investir. Auprès d’eux, elle constate un problème de légitimité à prendre la parole : « j’ai longtemps entendu « on ne nous donne pas la parole », ça a renforcé mon envie de faire de l’éducation au média. » Alors un jour, elle décide de ramener un enregistreur. « Et là, quand on ouvre le micro ça change tout ! ». L’objet est un excellent outil de pédagogie et de transmission, qui ouvre et influence la parole. « Mais il n’est pas magique non plus », ponctue-t-elle.

L’apprentissage en s’amusant

Pas magique, ok. Alors, quelle méthode utilise-t-elle ? Le mot méthode la fait sourciller, elle regarde à côté un temps, puis répond franche « en fait on ne vend pas des aspirateurs, alors la fiche type… J’ai une base et j’improvise tout le temps. On essuie les plâtres comme un humoriste qui rate une blague ». Dit-elle, sourire aux lèvres. D’abord, les publics avec lesquels elle travaille sont extrêmement variés. Sur les 20 à 30 projets qu’elle mène à l’année, cela va d’une classe en BTS à du milieu spécialisé comme la Protection Judiciaire Juvénile (PJJ), en passant par des filières pro adaptées ou du collège… Ce qui implique également des conditions de travail différentes, notamment dans le nombre de personnes à gérer dans les groupes. « Il faut revoir collectivement le terme de « public difficile », c’est plus compliqué d’intervenir dans une classe de 35 en 1ère option SES que dans un groupe de 4 à la PJJ ». Ce qu’elle préfère ? « Les gamins avec des problèmes d’école. L’idée c’est de déplacer l’élève d’un environnement stigmatisant à un autre ». Et le résultat est parfois bluffant ! « Un jeune peut être totalement introverti dans le quotidien et parler sans problème à la radio. C’est arrivé qu’un éducateur me dise « je n’avais jamais entendu sa voix » ».

Cette après-midi là, dans les studios, c’est Sarah, collégienne en classe relais qui est venue faire de la radio, accompagnée de deux éducatrices. Isèle la met à l’aise. Au programme du jour : l’apprentissage de la prise de son, avant d’aller la prochaine fois, interviewer des salariées de la Société Protectrice des Animaux (SPA) « j’aime bien les animaux », explique l’adolescente, « j’ai envie de comprendre pourquoi des gens les abandonnent ». Alors pour se mettre dans le bain, on sort de la radio et l’on part à l’aventure dans le parc juste en face des locaux. Une chasse aux sons, dans le but d’expliquer la mise en récit par les ondes. Sarah arpente le parc à la recherche de bruits d’animaux, d’eaux : elle est investie et écoute avec attention tous les conseils d’Isèle. L’apprentissage en s’amusant, c’est efficace.

« On espère avoir planté des graines »

Malgré l’investissement dont elle fait preuve, il reste quelques zones d’ombre, sur le suivit sur long terme « on espère avoir planté des graines… ». Elle espère également que le projet REC-EMI (Recherche collaborative sur les actions d’éducation aux médias et à l’éducation) saura répondre à cela.