Retour sur les deux journées de réunion du projet REC-EMI qui ont eu lieu cet automne : le lundi 3 octobre et le lundi 5 décembre 2022.

Cet automne 2022, les praticien.ne.s, les chercheurs et le coordinateur du projet REC-EMI ont pu se réunir à deux reprises. Des séances lors desquelles la recherche en mouvement a pu s’observer.

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Le lundi 3 octobre 2022, le réveil sonne tôt pour certain.e.s des participant.e.s au projet REC-EMI. C’est un peu devenu une habitude, on prend le train, la voiture, son vélo ou ses jambes pour les locaux de l’étape… afin de se réunir et partager, travailler, échanger. Le rendez-vous est à nouveau donné à la maison des associations de Rennes. C’est avec plaisir que les camarades se retrouvent après la trêve estivale.

Quelques petites surprises sont au programme. Nous accueillons une nouvelle recrue issue de l’une des radios qui participe au projet et un volontaire en service civique qui accompagnera l’une des radios sur la saison 2022-2023. Nous rencontrons pour la première fois Raphaël Magnan, qui va avoir pour mission, les prochains mois, d’accompagner et de soulager l’équipe dans le recensement qui va être fait au sein des radios. Le jeune homme, discret et sympathique, écoute les chercheurs avec intérêt avant de se présenter très humblement. Pourtant, son travail sera crucial dans notre recherche.

Qui dit rentrée, dit nouveaux ateliers et recherche de nouveaux ateliers : c’est-à-dire prospecter pour en créer d’autres, notamment par le biais de candidatures auprès de la DRAC, par exemple. Chacun.e échange sur ce qui a fonctionné ou pas. C’est un petit festival de sigles et acronymes en tout genre. De l’extérieur pas évident de tout saisir. Nos praticien.ne.s maîtrisent à la perfection un jargon administratif qui rend obscur les conversations pour une personne extérieure. Il me faut interpeller ma voisine à plusieurs reprises pour rester dans la conversation. On sent que cet échange leur apporte énormément : encore une fois cela permet aux praticien.ne.s d’estimer où ils et elles en sont.

« Pourquoi faire ce recensement et à quoi va-t-il servir ? »

Puis nous rentrons dans une partie plus technique, qui nécessite le regard et l’assentiment des praticien.ne.s. Et là, nous sommes au cœur de ce qu’est la recherche participative : définir le recensement qui va être fait au sein des radios. Barbara rappelle « nous en avions déjà parlé à Augan et ça va être un petit défi d’y arriver ! ». Depuis elle et François ont produit une « v0 » de fiche à remplir concernant les ateliers que produisent les radios. C’est un débat en cours : il faut la redéfinir pour qu’elle soit possible à remplir par les praticien.ne.s et leurs acolytes. Chacun.e reçoit une V0 et commence à la remplir. Ça tapote sur clavier, ça rature, dans un silence studieux. Les remarques remontent au fur et à mesure afin de la rendre plus efficace et intelligible. Raphaël qui devra s’en emparer afin de les coder sur Excel n’en perd pas une miette. Les actions seront répertoriées à partir de l’année 2015 ; ça aussi c’est un défi !

C’est un échange intéressant : il part de ce que demande la fiche (dates, lieux, actions entreprises) afin de mieux définir ce qui doit être inventorié et s’il est possible pour les radios de le faire (a-t-on les documents nécessaires, peut-on se permettre de définir aussi précisément, n’est-ce pas trop chronophage ?). Avant même que ces fiches soient rendues, leur confection dit beaucoup de la réalité du terrain de chacun.e : si divers qu’il est difficile de trouver une manière de le transcrire.

Mais toute cette belle réflexion est interrompue par notre coordinateur, « il est l’heure d’aller manger ». La pause est salvatrice ! Autour de la table, ça parle recherche REC-EMI, puis recherche en général. Ces moments de partage, entre formel et informel, nourrissent-ils aussi les réflexions de nos chercheurs ? La question reste en suspens, dans ma tête : ne pas briser la recette secrète de la recherche pour en garder toute la magie.

Un colloque à Roubaix

L’après-midi commence par une autre bonne nouvelle ! Nos deux chercheurs ont repéré un colloque international sur l’éducation aux médias, qui va se dérouler à Roubaix en décembre. « Quand on lit ça (l’intitulé NDLR) on se dit, ça va complètement avec ce que nous faisons avec la CORLAB ! », lâche Barbara, dont on perçoit l’effervescence : au-delà de la passion qui l’anime pour son métier, on sent qu’elle a mille réflexions à explorer ; instantanément on se prend à avoir hâte avec elle. C’est l’occasion de faire un point sur ce qu’ils pensent y présenter, de le valider auprès de praticien.ne.s. C’est aussi un de ces moments où l’on se rend compte du chemin parcouru depuis quelques mois. Nous avançons, c’est une certitude. Ce colloque sera également le moyen de se situer par rapport à d’autres études et d’estimer où l’on en est, comme de confronter les hypothèses de recherche. Tous et toutes sont d’accord avec les propositions.

Nous enchaînons avec les cas pratiques et le déroulé des actions à venir, comme à chaque fois. Cette fois-ci, je lâche quelques moments les conversations ; regarde par la fenêtre et m’absente un peu, avant de revenir dans le monde. Ce n’est pas que ce n’est pas intéressant. C’est que cette fois-ci, il y a un peu moins à dire, peut-être un peu moins à partager. Mais la recherche, c’est cela aussi. Des moments de creux qui sont en réalité des respirations importantes pour mieux avancer ensuite. Nous nous quittons même plus tôt que prévu. Mais l’esprit des praticien.ne.s est bien rempli, car ces fiches à remplir, c’est un sacré devoir à rendre !

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Nous nous retrouvons le lundi 5 décembre 2022, à Lorient. Entre temps, Xavier Milliner et Raphaël Magnan ont accompagné les radios dans l’élaboration des fiches de recensement. Et les radios n’ont pas démérité !

C’est François Sorin qui nous accueille à Askoria, son lieu de travail. Il a réservé la salle « Athènes », qui, si son nom évoque des vacances au soleil (bien agréable à imaginer ce jour où les températures commencent sérieusement à baisser), aujourd’hui, nous n’allons pas chômer. En bon hôte, François nous a préparé café et biscuits. Il nous explique où nous sommes : Askoria. C’est anciennement l’Institut Régional du Travail Social (IRTS) (ici on forme aux métiers du social, du médico-social) et les locaux sont aussi des dépendances de l’Université de Bretagne Sud (UBS). On sent qu’il est content de jouer à domicile, et de fait, nous met immédiatement à l’aise.

Ce jour, nous devions être 12 mais l’un.e des praticien.ne.s n’a pas pu se libérer. C’est un moment un peu particulier. D’abord, c’est le dernier rendez-vous de l’année inaugurale de ce projet. Ensuite, techniquement, nous serions à la moitié de la recherche concernant les temps et les financements initiaux. Néanmoins, des pistes sont explorées afin de pouvoir continuer ce fantastique travail ! Et Barbara de rappeler, « pour moi en tant que chercheur, le temps de recherche vient tout juste de commencer ».

« Cela nous montre que ça vaut le coup de faire ce que l’on fait »

Nous commençons par une petite déception : nos chercheurs n’ont pas pu se rendre à Roubaix à cause d’une grève de la SNCF. Ils ont néanmoins suivi et participé au colloque via Zoom. S’ils n’ont pas pu échanger en présentiel avec les autres chercheurs, il n’en ressort que des choses positives. Nous sommes notamment bien avancés dans notre projet ! Un constat qu’a également pu faire Xavier lors du Forum breton du Tiers-secteur de la recherche à l’Université de Bretagne Occidentale (UBO). S’il reste donc encore un travail immense à fournir, on peut se féliciter du rythme que nous avons adopté. Il faut dire aussi que les chercheurs, Raphaël et Xavier travaillent d’arrache-pied et que nos praticien.ne.s se sont tous et toutes très investi.e.s. Nous abordons également l’actualité autour de l’EMI, comme la parution d’un guide produit par le Syndicat National des Radios Libres (SNRL) en novembre 2022. Un livre qui cite par ailleurs notre projet de recherche.

Puis nous enchaînons, « on s’était quittés il y a deux mois à Rennes, avec une grosse charge de travail », introduit Xavier, « l’idée c’est de faire le point aujourd’hui ». François félicite nos praticien.ne.s et Raphaël pour le travail fourni. C’est 311 fiches que ce dernier a déjà reçu et traité (!!). Certain.e.s n’ont pas encore pu terminer ce (long) travail de retranscription du travail que mènent les radios : car l’idée est bien d’avoir une fiche pour toutes les actions menées et cela demande aussi un travail en interne pour les radios qui ont plusieurs personnes dédiées aux ateliers. La date limite de rendu est fixée au 31 décembre 2022. De quoi commencer, ensuite, la nouvelle année sereinement.

Raphaël, donc, en plus d’aider les radios dans la collecte de leurs données, a pour mission de rentrer ces fiches au sein d’un logiciel. Un traitement des données, notamment statistique, qui va nous permettre de valider ou non, les intuitions de nos chercheurs. Le jeune homme énumère quelques chiffres provisoires qu’il a déjà pu établir. Xavier commente, « il y a un travail d’exploitation statistique possible assez vertigineux ! C’est tout un croisement de données qui va être précieux pour nous ». Et François de continuer, « il y a plein d’informations ! Cela nous montre que ça vaut le coup de faire ce que l’on fait. Est-ce qu’il y a des évolutions dans les pratiques ? Est-ce qu’il y a des radios qui se colorent par rapport à d’autres ? ».

Une cohésion optimum, propice à la réflexion

Et puis dans la salle, sort tout naturellement en écho à ces questionnements, « je considère que je suis à part, ce n’est pas le même métier que mes collègues. Quand on me demande ce que je fais, je me dis « hop hop hop ça va durer 3h ! » ». « Et tu te retrouves à dire que tu fais de l’EMI », termine sa voisine en rigolant. Ce moment reflète la cohésion du groupe de la journée : elle est optimum et permet un dialogue ouvert et spontané, particulièrement propice à la réflexion. Et ça tombe bien, nos chercheurs, n’ont pas chômé ! François se saisit d’un crayon Velleda pour noter ses réflexions sur le tableau blanc, où se reflète déjà le rétroprojecteur. Il y inscrit « légitimer, expliciter et affirmer », les trois mots clés qui sortent de nos conversations. Il continue à s’approprier le tableau ; y apparaissent d’autres mots clés, des schémas, en rouge, en bleu… À certains moments, on lui trouverait bien quelques airs de savant fou ou d’enquêteur minutieux (ou de ce fameux mème). Alors qu’il se met à effacer l’acier émaillé, Barbara lui fait remarquer un brin taquine, « t’aimes bien remplir les tableaux blancs, tu ne les laisses jamais ». « J’aime bien, ça m’aide à m’organiser et après je prends des photos, ça fait des paragraphes », lui répond François confiant. Le chercheur en action ! Et puis, il faut dire que ça aide aussi à la compréhension des praticien.ne.s de noter toutes ces « idées ».

L’avancée de nos chercheurs demande une validation des praticien.ne.s. À ce stade, François nous présente cinq points à partir desquels le travail des radios en termes d’EMI se structure : conception, conduite d’action, animer, éditorialiser, réaliser. Cette base de travail est acceptée par l’audience, à laquelle se rajoute deux autres points, la coordination et la diffusion.

On s’arrête un peu pour le déjeuner ; on nous a livré des plateaux repas disposés dans des boites en carton, savamment rangées. Nous restons les manger sur place, dans une ambiance studieuse. Le travail du matin a été stimulant et l’on sent que les praticien.ne.s sont pressé.e.s de s’y remettre.

« Merci, ça m’a fait du bien d’en parler »

À la reprise, on discute des points techniques et des réjouissances à venir : comme la participation au Festival Longueur d’Ondes début février à Brest. Un moment important, où l’on va pouvoir aller présenter l’originalité de notre recherche : à la fois expérimentale et exigeante ! L’audience a hâte d’y être et ça scrute son agenda dans l’espoir de pouvoir se libérer. Puis nous passons aux incontournables analyses de pratique. L’un.e des praticien.ne.s se lance en agrémentant d’un comique « ça tombe bien, je suis parti de mauvaise humeur la semaine dernière, ça fera groupe de parole ». Comme d’habitude, l’analyse d’un temps qui a été spécifique, problématique ou étonnant dans le travail d’un de nos praticien.ne.s se fait dans la confidentialité et la bienveillance. À la fin de l’analyse, Barbara clôture d’un « c’était super merci beaucoup ! », auquel l’intéressé.e renchérit d’un « merci, ça m’a fait du bien d’en parler ». Sous le trait du comique, ce.tte praticien.ne touche en fin de compte quelque chose d’intéressant. Au-delà de ce que ces analyses apportent dans la façon de voir et envisager son travail, c’est aussi une sorte de thérapie collective à laquelle chacun.e participe. De la définition initiale « opération intellectuelle consistant à décomposer un tout en ses éléments constituants et d’en établir les relations. » (cf : le dictionnaire Larousse), finirait-on par toucher à celle de la psychanalyse ? On enchaine avec une dernière personne puis l’on se quitte. Avec un sentiment de satisfaction : celui de ces journées où l’on a bien travaillé.