Journal de bord #7

Retour sur la séance de travail du lundi 9 octobre 2023 à Lorient

C’est l’été indien. Ce lundi matin d’octobre 2023, on arrive en t-shirt à la séance de travail numéro 9 du projet REC-EMI. Forcément, on en parle, de ce temps. Ce n’est pas bien rassurant, mais tout de même, après un été proche de la noyade (il a été particulièrement pluvieux en Bretagne), il faut avouer que ce soleil tardif est un plaisir coupable qui remonte bien le moral. Et ça ne fait pas de mal à nos praticien·ne·s, eux·elles, noyé·e·s sous le travail.

Nous nous retrouvons dans les locaux d’Askoria à Lorient. Salle « Athènes B ». Comme l’année dernière, François a mis les petits plats dans les grands. Une bouteille d’eau de 50 cl, attend chaque participant·e sur les tables disposées en U, le café est de bonne facture, les biscuits délicieux. Le joli tweed aux couleurs marines, un peu passé, que notre chercheur arbore (plutôt sur sa chaise, d’ailleurs, il fait chaud, rappelez-vous), lui donne des faux airs de gentleman farmer. Un peu seigneur en son château. Mais surtout hôte de marque sur ses terres. La pièce fait « sérieuse » en somme. À quel point ce détail peut-il mener l’audience à être studieuse ?

Nous ne nous sommes pas réunis depuis le 15 mai 2023. Dans les radios, il y a forcément eu quelques changements et nous accueillons une nouvelle praticienne. Nous sommes 11 ce jour, c’est l’occasion de nous présenter à nouveau. À la fin du tour de table, Xavier nous fait remarquer, « personne n’a donné l’intitulé de son poste ». En un sens, c’est la façon idéale de présenter le présupposé du projet REC-EMI, puisque cela reste la base des réflexions que nous menons avec les chercheurs depuis un an et demi. Les praticien·ne·s donnent leurs dénominations contractuelles pêle-mêle, « animatrice d’atelier radio », « chargé d’atelier culturel », « chargé de l’action culturelle »… « Cela change selon les radios, les qualitatifs ne sont pas tout à fait les mêmes », conclut Xavier, afin d’avancer sur le programme de la journée. Elle s’annonce plutôt remplie, et pour cause, il ne nous reste plus qu’une autre séance de travail à venir en novembre.


L’avancée de la recherche


Les chercheurs nous tiennent tout d’abord au courant de l’avancée de la recherche. Barbara, qui a pris un congé de recherche, a commencé son enquête de terrain avec l’un·e de nos practicien·ne·s. C’est un terrain différent de celui que François a choisi. D’abord, parce que Barbara va suivre cette personne dans plusieurs ateliers et dans plusieurs endroits. Elle a pu commencer début octobre, avec une action menée dans un collège situé en quartier prioritaire, autour d’un musée qui ouvre bientôt une nouvelle annexe. François de son côté, espère pouvoir mener des entretiens individuels avec les bénéficiaires de l’atelier qu’il a suivi au printemps 2023. Ce qui semble pouvoir être réalisable, puisque celui-ci va continuer ces mois d’octobre, novembre et décembre 2023.

À la fin du mois de décembre 2023, nos chercheurs arrêteront le recueil des données (à savoir principalement de terrain et des ateliers de travail à ce stade). « Nous en aurons à ce moment-là pour des années de travail », expose Barbara, enthousiaste, tandis que François acquiesce de la tête. L’objectif de la restitution finale de ce travail collectif avec les radios sera, lui, rendu en juin 2024. Pour le moment, le format de cette restitution n’est pas encore arrêté, mais il devrait s’agir d’un écrit collectif.

Un article dans une revue scientifique et universitaire à venir

En décembre 2022, Barbara et François avaient participé à un colloque à Roubaix autour des questions de la professionnalisation, porté par le laboratoire GERiiCO (un pôle de recherche à vocation internationale en sciences de l’information et de la communication de la région Hauts-de-France), avec Amandine Kervella (chercheuse en sciences de l’information et de la communication à l’ENPJJ de Roubaix. Elle est également intervenue dans le cadre de la première rencontre GTI-EMBAPE, mais nous y reviendrons). Dans ce cadre, un appel à article « un AAA, c’est du jargon scientifique », explique François, a été lancé. Après avoir présenté oralement le projet REC-EMI l’année dernière, nos chercheurs vont donc produire un article scientifique universitaire dans la revue Politiques de communication. D’autre part, ils se rendront à Lille le 16 novembre 2023 à une conférence organisée par le réseau EMI cycle, à l’invitation d’Amandine Kervella afin d’y présenter les travaux du projet REC-EMI. Puis les 17 et 18 novembre, ils sont invités à prendre part aux rencontres de la fédération Radio Campus sur l’éducation aux médias, dans la même ville.

Petit point GTI-EMBAPE

C’est un peu le side-project du projet REC-EMI ! Le 15 juin 2023 a eu lieu la première rencontre du « groupe de travail interdisciplinaire : éducation aux médias en Bretagne, acteurs, pratiques, enjeux » (GTI EMBAPE). Celui-ci a été initié lors de l’édition 2023 du festival Longueur d’Ondes. Xavier Milliner et nos chercheurs l’ont conçu comme une extension naturelle du projet REC-EMI. Il réunit un panel de professionnelle·s engagé·e·s sur le champ de l’Éducation aux médias et à l’information en Bretagne (des praticien·ne·s de REC-EMI, animat·eur·rice·s, journalistes ou enseignant·e·s, des chercheu·r·se·s et des représentant·e·s d’institutions). Ce groupe de travail est copiloté par Barbara Fontar (CREAD – Rennes 2), Christophe Gimbert (ARENES – Sciences-Po Rennes), Julie Lallouët-Geffroy (Collectif La Lucarne), Xavier Milliner (CORLAB), François Sorin (ASKORIA) et Olivier Trédan (ARENES – IUT Lannion).

Cette journée de travail a permis de poser les premiers jalons d’une coopération que l’on espère sur le long-terme, ainsi que de découvrir le retour d’expérience d’Amandine Kervella, sur le travail autour de l’éducation aux médias qu’elle mène dans les Hauts-de-France. La seconde journée aura lieu le 21 novembre 2023. « Là l’idée, c’est de mettre à plat nos réflexions », explique Barbara, « on fait tous de l’EMI, mais avec quelles intentions ? Avec quels logiciels idéologiques ? ». Le pari de la prochaine rencontre sera de travailler à partir de ces tensions. Ensuite, de nouvelles sessions de travail devraient être prévues pour 2024.

La base de données révèle ses secrets

Ce jour, Raphaël n’a malheureusement pas pu se libérer pour venir nous présenter les résultats du travail qu’il mène depuis plus d’un an. Souvenez-vous, il s’agit de la création d’une base de données à partir de celles récoltées autour des actions d’éducation aux médias menées par les 10 radios du projet REC-EMI entre 2015 et 2022. Nos praticien·ne·s ont passé quelques mois à regrouper les informations disponibles au sein de leur structure. Puis, iels ont pu remplir des fiches spécifiques à chaque action. Un travail de récolte, de traitement et d’analyse absolument colossal pour Raphaël, assisté de Xavier et des chercheurs : avec 887 fiches en tout. 

La fin du contrat de Raphaël sur notre projet prendra effet au 4 décembre 2023, aussi, nous aurons sûrement la chance de pouvoir nous entretenir avec lui lors de notre dernière session de travail. Mais en attendant, il nous a préparé un gros dossier (plus de 150 pages !), des résultats bruts qu’il a pu révéler par radio. Ceux-ci sont présentés sans analyse, c’est donc simplement un document de travail et nous ne vous dévoilerons encore rien ici (pour le moment). Néanmoins, l’on peut tout de même révéler que les résultats vont du nombre d’ateliers par saison, à la répartition des ateliers par secteurs en passant par les professionnel·le·s qui bénéficient desdits ateliers… Et que depuis 2015, les ateliers radios n’ont cessé d’augmenter au sein de nos radios. Autour de la table, les practicien·ne·s consultent attentivement le dossier. Rapidement, les questions et les remarques tombent. C’est là un parfait exemple de notre recherche participative. C’est grâce et avec les practicien·ne·s que ces résultats passeront d’intermédiaires à définitifs ! Un moment essentiel pour arriver à des données justes. Xavier lance un déterminé « il nous reste du pain sur la planche avec Raphaël ! ». Après ces réflexions communes, la pause-déjeuner a des airs de vacances, tandis que l’on déguste nos plateaux-repas dans l’herbe du parc à deux pas d’« Athènes B ».

Les « très fertiles » analyses de pratique

Au retour du déjeuner, François réexplique le principe de l’analyse de pratique pour le·la nouvel·lle practicien·ne. Il conclut avec le sourire, « c’est grâce à ces analyses de pratique que nous avons de la matière pour travailler. C’est très fertile ! Alors nous enregistrons et nous retranscrivons tout cela ». Xavier, à côté de lui sort justement l’enregistreur, qu’il fait passer afin de le mettre plus près de la personne qui va nous exposer son cas pratique problématique. Il sort un peu mutin, « il faut appuyer sur le bouton rouge », « ah ça marche comme ça ? » réplique la praticienne dans une douce ironie.

Le premier cas pratique est intéressant : il sort du cadre habituel d’une certaine manière, en abordant des questions liées à des projets transnationaux, tout en ramenant vers une problématique commune. À savoir, le droit de regard sur les projets, l’auto-censure… Xavier résume, « c’est un dispositif original et un peu complexe ». En effet, on y trouve beaucoup de thèmes à aborder et de quoi nourrir nos chercheurs ! Ça discute, ça débat dans la salle. À un certain point, Xavier et les chercheurs, côte à côte, tournent symétriquement la tête d’un côté et de l’autre, comme s’ils assistaient à un match de tennis. Au retour de la pause, nous enchaînons sur la deuxième analyse de pratique. La personne ose en aborder une en particulier, qu’elle n’aurait pas forcément choisi, si elle n’avait pas entendu la première : « j’hésitais à en parler, mais finalement, c’est un sujet intéressant », explique-t-elle en guise d’introduction.

On se quitte vers 16 h 30, la tête à nouveau bien remplie. La prochaine séance sera la dernière, c’est que l’on commencerait presque à être nostalgique.