MÉMOIRES DE VI(LL)ES : ROCHEFORT-EN-TERRE / PLUM’FM


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Photographie © Sarah Chajari – L’atelier du canal

Durant l’été 2023, un petit groupe d’habitants de Rochefort-en-Terre s’est réuni pour participer à six ateliers radios avec Plum’FM. Il s’agissait de 5 femmes et 4 hommes, âgés de 65 à 88 ans, familiers les uns les autres et qui ont pu, au fil des ateliers, recréé du lien social. Le rendez-vous était donné au deuxième étage de la mairie, en surplomb de la place animée des halles, comme pour mieux prendre de la hauteur sur la cité et son histoire. Tous d’ailleurs, l’appellent simplement « Rochefort ».

LES HABITANT·E·S

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René Bignonet (84 ans), Gérard Marquet (84 ans) et Claude Méha (88 ans) sont tous les trois nés à Rochefort-en-Terre sans jamais la quitter, exerçant tour à tour les métiers de peintres en bâtiment et pompiers, et de femme de ménage. Claude Magnen, né aux portes de la cité à Pluherlin (en 1958) travailla aussi en tant que peintre en bâtiment et s’impliqua au Conseil municipal durant 24 ans. Native de la cité, Christine Méha (70 ans), la sœur de Claude, partit travailler à Paris à 17 ans avant de revenir à ses racines et œuvrer à la maison de retraite come veilleuse de nuit. Après une carrière parisienne comme fonctionnaire, Annie Lisle (72 ans) renoua elle aussi contact avec son pays de cœur pour la retraite, installée dans la maison parentale (son père était le cantonnier du village). Renée-Anne Andrieux, née à Concarneau, s’est ancrée à Rochefort-en-Terre avec son époux en œuvrant bénévolement à l’école, l’église et la bibliothèque. Enfin, l’expérience de Denise Tabary et Marie-Paule Le Blay (84 ans) en tant que « non-natives » de la commune, est d’une grande richesse, puisqu’elles ont participé à la vie locale en gardant les enfants de la commune et en tenant un café dans le « Vieux-Bourg ».

Annie Lisle © Sarah Chajari – L’atelier du canal

Christine Méha © Sarah Chajari – L’atelier du canal

René Bignonet © Sarah Chajari – L’atelier du canal

Denise Tabary © Sarah Chajari – L’atelier du canal

Gérard Marquet © Sarah Chajari – L’atelier du canal

Renée-Anne Andrieux © Sarah Chajari – L’atelier du canal

LES ÉPISODES

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La vie de la cité

De quelle façon vivait-on à Rochefort-en-Terre au siècle dernier ? Ce premier épisode revient sur la vie de la cité, où se concentraient des fonctions commerçantes, administratives et scolaires ; et où les commodités comme l’eau courante sont arrivées petit à petit. Entre débrouille et entraide, les anecdotes foisonnent. Les habitants se remémorent aussi l’ambiance chaleureuse des fêtes qui rassemblaient la communauté et où la musique n’était jamais très loin, mais encore la procession spectaculaire du pardon. La Seconde Guerre mondiale constitue également un fil rouge dans la mémoire collective. Plus récemment, l’essor du tourisme invite à réfléchir aux enjeux de cohabitation entre les visiteurs et les habitants et à la préservation de l’environnement.

« La vie dans Rochefort, c’était essentiellement une vie de commerçants et d’artisans. Il y en avait pratiquement à toutes les portes. Rien que le Vieux-Bourg, j’ai compté plus d’une vingtaine de commerces : il y avait trois boulangers, deux bouchers charcutiers, cinq ou six épiciers. »

René Bignonet

L’ancrage dans la cité

Qu’on soit « vrai Rochefortais » ou tombé amoureux de son patrimoine sur le tard, qu’on habite le Vieux-Bourg ou la ville haute, d’où naît le sentiment d’appartenance à la cité ? Les habitants témoignent de leur lien, profond, enraciné, avec Rochefort-en-Terre. Pour tous, un fait a marqué durablement leurs souvenirs : l’incendie de la maison de retraite le 13 octobre 1953. Il s’agit du plus grand sinistre que la ville ait connu au XXe siècle et pour lequel on retient la bravoure de René Bignonet, ancien ébéniste devenu pompier et chef du centre de secours. Une attention est aussi portée à l’investissement des habitants dans la vie de la cité.

« Je n’ai pas eu l’intention de partir d’ici. J’étais bien implanté, je me trouvais bien. Il faut dire aussi que quand on était un garçon et que lon avait un père qui était artisan, la question ne se posait même pas à l’époque. Obligatoirement, on devait prendre le même métier et la succession. C’est comme ça que je suis resté et honnêtement, j’espère encore rester longtemps. »

René Bignonet

Les patrimoines matériel et naturel

Pour raconter l’histoire de la ville, ce sont les maisons les plus anciennes et le site du château qui sont choisis, chargés d’art et d’histoire. Restauré au siècle dernier par la famille Klots, venant d’Amérique et adoptée par les Rochefortais, le château n’a été ouvert au public que récemment. Situé en face de l’école publique, il offrait un terrain de jeux aux enfants après les cours, dans les douves et souterrains. En contre-bas, le Vieux-bourg hébergeait une population plus modeste que dans la ville-haute, où siégeaient des commerçants plus riches et parlant le français. Si l’on s’intéresse au patrimoine naturel, les habitants décrivent avec un attachement certain l’écrin de verdure dans lequel se niche la cité, à commencer par les Grées, paysages de schiste ardoisier propices à de nombreuses randonnées. L’échange est enfin l’occasion de rendre hommage au maire René Belliot, qui a joué un rôle essentiel dans l’obtention de la marque Petite Cité de Caractère® en 1978 !

« Les bâtiments n’ont pas bougé. J’ai plus de 70 ans et ce sont les mêmes depuis mon enfance. C’est ça qui fait patrimoine, qui fait que c’est une Petite Cité de Caractère. »

Annie Lisle

L’enfance et les loisirs

Dans les années 1950, il y avait à Rochefort deux écoles où les enfants restaient jusqu’à 14 ans : l’école publique, et l’école libre de Notre-Dame – privée et catholique – que certains avaient renommées l’école du diable et l’école du bon Dieu. Une rivalité importante existait alors entre les deux établissements et les élèves ne se fréquentaient guère, excepté lors des commémorations de guerre. Les habitants racontent les jeux et distractions qui plaisaient tant dans la cour de récréation (la marelle, les billes, les osselets…) comme toutes les bêtises qu’ils ont pu faire, dans une belle insouciance ! Le midi, pour ceux qui habitaient trop loin, il fallait manger à la cantine ou bien chez l’habitant.

 

« On allait trainer dans les Grées, dans les carrières… Les parents ne se préoccupaient pas davec qui on était ni de ce que lon faisait. On rentrait juste pour lheure du repas. »

Annie Lisle

Les métiers et les commerces

Au milieu du XXe siècle, les commerces formaient une liste à la Prévert ! Au moins 23 bistrots, 3 boulangeries, 3 chausseurs, un sabotier, des maçons, des marchands de charbon, des peintres, un barbier, des mécaniciens, un chapelier etc.… Rochefort-en-Terre était un chef-lieu de canton et presque tout s’y trouvait.  Il y avait aussi les Ponts et Chaussées, une poste, une gendarmerie, un abattoir et nombre de professionnels de santé. Les pardons religieux étaient encore très vivants. De quoi attirer les habitants des communes avoisinantes !

 

« La scierie de Rochefort était en face du cimetière. Donc quand les gens mouraient on disait : ‘On va aller écouter les scies grincer’. »

Annie Lisle

La communication, les médias et la transmission

Comment s’informait-on au siècle dernier ? C’est tout l’objet de ce dernier épisode ! Les discussions suivent l’évolution des moyens communication. En 1940, contrairement aux communes rurales, Rochefort-en-Terre a l’électricité et plusieurs foyers possèdent une radio. Le téléphone et la télévision sont plus rares, mais on s’arrange avec les voisins pour en profiter. Des antennes sont même installées sur l’éperon rocheux des Grées ! L’émission se termine par un retour d’expérience sur le projet « Mémoires de villes ».

 

« La radio a toujours été là. […] Et on navait pas le droit de parler à table, puisque mon père écoutait les infos. »

Annie Lisle

Entretien avec Léonie Clénet,
chargée de mission Tourisme et Patrimoine à Rochefort-en-Terre
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Lorsque que projet Mémoires de vi(ll)es a été proposé à la mairie de Rochefort-en-Terre, cela les a tout de suite enthousiasmé. Après le décès de plusieurs personnes âgées dans la commune, il y avait déjà eu une prise de conscience : il était important de pouvoir recueillir la parole d’une génération qui disparaissait. « Après avoir écouté le travail de Plum’FM sur Senior on Air, on s’est dit que ça allait bien se passer », se souvient Léonie Clénet, chargée de mission Tourisme et Patrimoine de la ville. Ce qui intéressait également la mairie avec ce projet, c’était de découvrir ce que la population de Rochefort-en-Terre pense du tourisme et notamment les seniors. Avec un objectif : réduire la distance entre les habitants et les touristes. « Nous avons voulu remettre les habitants au centre du projet de la commune », retrace la chargée de mission.

De gauche à droite, Léonie Clénet, chargée de mission Tourisme et Patrimoine à Rochefort-en-Terre ; Sarah Chajari photographe de Mémoires de vi(ll)es et Clémence Mazureau des Petites Cités de Caractère® de Bretagne.

À Rochefort-en-Terre, la mairie a pris le parti de créer un lien de confiance avec les habitant·e·s. C’est Léonie qui a réuni celles et ceux qui participent au projet Mémoires de vi(ll)es. « Nous avons souhaité réunir des profils de personnes différentes, que ce soit en termes d’âge, qu’elles soient nées ou non ici, qu’elles aient vécu ailleurs ou non et qui viennent de quartiers différents ». La jeune femme a procédé à un tour de village afin d’aller à la rencontre des seniors pour les inviter à participer au projet, « on m’a donné les adresses et je suis allée toquer aux portes. J’ai dû retourner plusieurs fois voir certaine personne pour les convaincre », explique-t-elle dans un sourire, contente d’y être arrivée.

Ce sont 7 femmes et 3 hommes, de 65 à 88 ans, qui ont pris part aux six ateliers d’une heure avec Plum’FM. « C’est un petit groupe et ça réussit vraiment à recréer du lien social entre eux ! L’important étant bien sûr de s’adapter afin que ce ne soit pas une contrainte, mais un plaisir pour eux », atteste Léonie. En effet, tous se connaissent, mais ne se fréquentent pas. « Il fallait également faire attention à ce que le groupe s’entende bien et que chacun se sente légitime à parler et libre de dire ce qu’ils pensent. Pour cela, Jessica Quirin a fait un beau travail. Elle les a mis à l’aise, elle est très pédagogue, elle explique tout le côté technique », relate Léonie, puis continue, « toutes et tous étaient content·e·s du projet, car iels se sont senti·e·s acteur de celui-ci ». Notamment sur les sujets autour du tourisme, ces ateliers ont favorisé des entretiens apaisés avec les habitant·e·s. « Les ateliers ont été intéressants, car ils ont fait ressortir des choses sur la commune, que l’on ne voit pas forcément lorsque l’on travaille à la mairie », assure Léonie, qui complète, « et cela représente le patrimoine immatériel de la commune, c’est super ! ».

ROCHEFORT-EN-TERRE : LA PREMIÈRE VILLE À AVOIR OBTENU LA MARQUE « PETITE CITÉ DE CARACTÈRE® » EN 1978

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Rochefort-en-Terre est une cité construite sur un éperon rocheux sur lequel est implanté un puissant château dès le XIIe siècle. Dominant la trouée du Gueuzon, elle offre un panorama exceptionnel sur la barrière de schiste ardoisier nommée Les Grées terme qui vient du gallo « Graou » signifiant « crête ». Cette partie du massif des Landes de Lanvaux bordant la commune au nord, constitue un patrimoine naturel remarquable qui abrite une faune et une flore très diverses.

Au XIIe siècle, les seigneurs qui édifient le premier château prennent le nom du lieu et ainsi apparaissent les seigneurs de Rochefort. Cette forteresse contrôle alors la voie commerciale entre Malestroit et La Roche-Bernard. En 1374, la seigneurie passe par mariage dans la famille de Rieux qui adopte dès lors le nom de Rieux-Rochefort.

La ville se développe sur les pentes autour du château. Un premier bourg, appelé le Vieux-Bourg, s’implante au nord-est du château, puis un second s’étend au sud sur la crête étroite de l’éperon rocheux. L’axe principal de ce second bourg s’insère entre les deux édifices importants : le château et l’église Notre-Dame-de-la-Tronchaye. Ses rues étaient fermées par trois portes dont deux subsistent, la porte Cadre à l’ouest et celle de l’Étang en contrebas, au sud. La prospérité de la cité du XVe au XVIe siècle a marqué l’architecture des édifices. Les Rieux­ Rochefort restent à la tête de la seigneurie jusqu’à la fin du XVIe siècle.

À partir du XVIIe siècle, la cité perd de son importance, et ce, jusqu’à l’arrivée d’Alfred Klots en 1907. Cet artiste-peintre américain a un coup de cœur pour la cité de Rochefort-en-Terre et met tout en œuvre pour lui redonner vie.

Au XXe siècle, la cité devient un site fréquenté notamment pour son fleurissement qui allie à la pierre des édifices, lui confère son caractère pittoresque.

Pour se différencier des autres villes portant le même nom et favoriser l’acheminement du courrier la cite devient « Rochefort-en-Terre » en 1892. Sous l’impulsion de la municipalité et des Rochefortais, elle est la première cite à obtenir la marque Petite Cité de Caractère® en 1978.