Louis Bellec, dit Loeiz est un homme affable, ses cheveux argents tombent sur ses épaules et trahissent un âge que ne saurait donner sa voix. C’est immanquablement l’un des plus anciens bénévoles de Radio Bro Gwened, et pour cause ! Il en est à l’origine (voir à la découverte de Radio Bro Gwened). À l’époque, il a 28 ans et n’y connaît absolument rien. Pourtant, la radio occupe une place importante dans sa vie. Il se souvient des moments de son enfance, avant l’irruption de la télévision dans les foyers, où la famille à table écoutait presque religieusement les informations « mes parents mettaient Radio Luxembourg et fallait fermer sa gueule ! », raconte-t-il amusé. Plus tard, lorsqu’il est étudiant à l’INSA à Rennes pour devenir ingénieur, il découvre une radio pirate qui émet de l’un des dortoirs situé sur le campus de Beaulieu : « Radio B-sud » (du nom du dit-dortoir). « C’était un étudiant qui avait lancé ça, il y avait pas mal d’électroniciens à l’INSA. Il se faisait plaisir, il passait de la musique. Et puisqu’elle était pirate, elle bougeait d’endroit à chaque fois. » Un moment où la radio est un outil de lutte sociale aussi : contre le nucléaire à Plogoff ou Fessenheim, pour ne citer que cela. Alors, rien d’étonnant à ce que RBG ait été conçu de façon militante dans le but de faire entendre et reconnaître le breton.

Une émission par semaine

Le breton, d’ailleurs, c’est l’un des axes centraux de la vie de Loeiz et de ses engagements. « Je suis originaire de Plumeliau entre Baud et Pontivy, mes parents parlaient breton donc je le comprenais. Dans les années 1970, il y avait une effervescence autour de la langue et c’est là que j’ai pris conscience que l’on considérait mes parents comme des ploucs, alors qu’ils parlaient deux langues ! » Le jeune homme apprend alors à lire et écrire le breton en autodidacte. D’abord ingénieur, il se reconvertit en professeur de mathématique et se retrouve, un peu par hasard, à donner des cours de breton dans le lycée où il enseigne à Loudéac. « Il y avait besoin d’un autre professeur de breton et l’on m’a poussé à le faire malgré mon inexpérience. J’ai appris en même temps que les élèves », se souvient-il avec le sourire. En 1981, à l’ouverture de la première licence de breton à l’université Rennes 2 dirigé par Pêr Denez, il rejoint le cursus, «  il y avait une file longue d’au moins 150 personnes qui attendaient pour s’y inscrire ! ». Il y obtient un Deug en deux ans.

En parallèle, Loeiz continue à animer une émission de radio par semaine. La première, avait commencé dans son garage « on y parlait de tout et de rien, en breton. On passait de la musique. Le jour où j’ai commencé, il fallait trouver un nom, mais ça je n’y avais pas pensé. On passait de 14 à 15h, alors je l’ai appelé « Beteg teir eur », soit « Jusqu’à 3 heures » en français ». Il en aura plusieurs, souvent centré autour de la musique, « j’ai une grande curiosité musicale », reconnaît-il. Et alors, la radio, ça lui a apporté quoi ? « Des emmerdes et ça m’a coûté de l’argent », dit-il en rigolant et continue un brin ému, « la radio c’est passionnant. Il n’y a pas besoin de se grimer avant de venir. Et puis Radio Bro Gwened, c’est une sacrée aventure, ça fait 40 ans quand même ! C’est beaucoup de rencontres, des voyages même ! ».

L’assemblée mondiale des radios communautaires à Montréal

Justement, l’un de ses souvenirs les plus marquants de Loeiz, c’est un voyage. Pour l’assemblée mondiale des radios de type communautaire à Montréal en août 1983. « Nous y sommes allé·e·s à quatre, avec une salariée de l’équivalent de la CORLAB de l’époque, Fabienne. On voulait y aller, notamment pour visiter des radios sur place ». Et pour cause, le modèle québécois ressemble beaucoup au modèle breton, à cela près qu’ils avaient beaucoup d’avance sur leurs collègues européens « ils avaient déjà plein de radios et d’un point de vue technique c’était sans comparaison ». Un moment de rencontre aussi, comme avec un animateur d’une radio en Californie, passionné de musique celtique.

Désormais retraité, Loeiz n’a en revanche pas raccroché le micro. S’il n’est plus président de la radio (il l’a été durant cinq ans, l’acutel président est Michel Fillion), il reste toujours actif au CA. Il continue toujours, une fois par semaine, à faire une chronique de vulgarisation scientifique en breton, qu’il enregistre de chez lui. Réminiscence de son garage d’antan. « Les gens nous disaient « ça ne durera pas ! », alors ça nous donnait encore plus d’énergie pour continuer ! », conclut-il avec tendresse. Des décennies radiophoniques qui l’ont nourri. Et nous de reconnaître, qu’il a de quoi être fier aujourd’hui, d’avoir mené à bien ce projet fou qui perdure joliment.