Le musée de Saint-Malo & Radio Parole de Vie :

la démarche pédagogique adéquate

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Le ciel est d’un bleu épatant. Celui qui sied si bien à Saint-Malo. Ce mardi 7 février 2023, il n’y a guère que l’air frais vivifiant qui nous rappelle que nous sommes encore en hiver. Il est 14 h et le studio de Radio Parole de vie, exposé plein sud, brille d’une lumière froide et directe. À l’intérieur, un petit attroupement. Il s’agit des élèves de CM2 de l’école Jean de La Mennais à Saint-Malo, venu·e·s visiter les studios. La classe est séparée en demi-groupe. Ils sont 13 à découvrir avec curiosité l’univers de la radio. La veille, le premier groupe s’y était amassé avec le même intérêt.

Cette rencontre est orchestrée dans le cadre « Du musée au micro ». Une action créée à l’initiative de la CORLAB et de Bretagne Musées, soutenue par la DRAC Bretagne. Il s’agit d’une convention tripartite qui réunit une radio, un musée et une école du même territoire, dans le but de mener un parcours pédagogique autour de la radio et d’une exposition en cours. Depuis septembre 2022, Radio Parole de Vie s’est donc associée au musée de Saint-Malo afin de proposer aux élèves un projet sur « Tous marins », l’exposition qui s’est tenue à la Chapelle Saint-Sauveur de Saint-Malo du 22 octobre 2022 au 8 janvier 2023. Si les portes du musée de Saint-Malo sont fermées depuis 2019, son équipe, elle, continue à proposer des expositions issues de sa collection dans divers lieus de la ville, en attendant l’ouverture du futur musée d’histoire maritime de la ville. Un art en quelque sorte itinérant, qui vient à la rencontre des habitant·e·s depuis. Comme à celle de nos CM2.

Une approche bienveillante

Tandis que David Hermy, le technicien, vient de présenter le studio aux enfants, les voilà désormais assis dans le bureau adjacent, à écouter Jean-Christophe Nava, le journaliste et coordinateur de la radio. Il leur parle de son travail, justement. Expliquant tour à tour ce qu’est un « micro-trottoir » ou ce qu’est « une question fermée ». Tout en pédagogie. Mathis, l’un des élèves, tient avec précaution un Zoom à la bonnette ébouriffée. Il enregistre avec attention les interactions : la parole est libre. L’instituteur et le second accompagnateur observent avec douceur. À côté de Jean-Christophe, il y a aussi Anne Bignolas. La médiatrice du musée de Saint-Malo en charge du projet « Du musée au micro ». Notre journaliste la prend pour exemple afin de montrer que l’on peut interviewer quelqu’un sur différents sujets, et ainsi, définit ce qu’est « un angle journalistique ». De son côté, Mathis bouge son bras douloureusement ; il tend l’enregistreur à un camarade, qui s’exécute à le remplacer, lestement. Anne apporte sa pédagogie à l’échange, c’est un bon duo, qui travaille dans une approche bienveillante.

La visite se termine sur le balcon de la radio, où les enfants découvrent l’antenne d’où émet « RPV » sur le toit de l’immeuble. Profitant d’un moment de flottement pour s’amuser un peu et découvrir la vue du dernier étage. Après le départ des élèves, Anne et Jean-Christophe affichent un grand sourire et se félicitent d’un moment d’échange intéressant, où chacun·e a pu prendre part aux interactions. Une réussite qui se niche sûrement dans le système même que l’équipe pédagogique expérimente. « C’est une première expérience, alors, il y a des choses à tester et à construire ensemble, c’est extrêmement intéressant », indique Jean-Christophe.

La responsabilité vis à vis du discours

« Du musée au micro », a été pensé dans une mixité entre le musée et la radio. Et de là s’est imposé un sujet : la responsabilité vis-à-vis du discours. Celui que va faire passer une exposition, comme celui que va faire passer un journaliste. Mais n’est-ce pas trop compliqué à développer avec des élèves en primaire ? « Ce n’est pas parce qu’un sujet est complexe que l’on ne peut pas l’expliquer aux enfants », assure Anne. Son acolyte acquiesce de la tête, elle continue, « contrairement à ce que l’on peut penser, il y a peu de différences à travailler avec un enfant ou un adulte ». Avec un impératif commun : « peu importe l’âge, la médiation, si l’on prend de haut, ça ne marche pas, car la médiation, c’est instaurer le dialogue. Il faut réussir à trouver la démarche pédagogique adéquate afin de communiquer et d’échanger avec les élèves, qui ont déjà un avis très solide », explique Anne, qui rajoute d’un air un peu malicieux, « cela nous oblige à répondre à des questions que l’on ne se poserait pas ».

Mais concrètement, de quelles façons aborde-t-on la responsabilité du discours avec des CM2 ? « D’abord, les élèves sont venu·e·s à deux reprises visiter l’exposition », retrace Jean-Christophe. La première était une visite « classique » et la seconde a été orientée sur la façon dont l’exposition a été construite. Comprenez : le choix des œuvres représentées, leur ordre de présentation et les indications à leur sujet. « C’était une première étape pour leur montrer que l’on peut dire plusieurs choses avec un même support et leur faire comprendre la notion de muséographie », explique Anne. Puis, lors d’une troisième rencontre dans leur école, cette fois-ci, les élèves ont pu travailler à la manière dont on crée une exposition. Ils avaient à disposition plusieurs éléments à y présenter afin de la concevoir eux-mêmes. « Ça les oblige à réfléchir à ce qu’ils vont dire, le parallèle avec la radio se fait là-aussi. Et il n’y a pas eu deux expositions similaires », relève Jean-Christophe en souriant. Une façon de déconstruire les imaginaires et représentations de chacun·e tout en questionnant le parallèle entre le fond et la forme.

« Travailler avec des enfants, c’est du velours »

Tout au long de ces rencontres, Jean-Christophe a d’ailleurs commencé à enregistrer les interactions, puis ça a été au tour des scolaires. « Lorsqu’un élève tient l’enregistreur, il est à l’écoute de la personne qui parle », explique le passionné de radio. Car, au cœur du travail mené dans « Du musée au micro », il y a aussi cette capacité à écouter et à comprendre l’autre. Qui sera ensuite interrogée par le biais du montage. Une approche qui permettra à son tour de questionner le discours. Un travail commun et complémentaire, donc, mais qui apporte aussi à l’équipe pédagogique.

« Travailler avec des enfants, c’est du velours », résume Anne, « car c’est le regard le plus décalé que l’on peut avoir, ça nous fait découvrir les choses sous une nouvelle facette », conclut la femme avec enthousiasme, tandis que Jean-Christophe approuve.