Plonéis, dans le Finistère sud, à quelques kilomètres de Quimper. Bourg rural de quelques 2471 âmes, une longue rue où se concentrait jadis l’habitat : l’empreinte caractéristique de l’ancienne voie Nantes-Audierne (ou Quimper – Douarnenez pour les locaux), aujourd’hui désuète. Désormais, l’on emprunte plutôt la RN165 au sud du bourg. C’est entre ces deux voies, que se trouvent les locaux de Radio Kerne, comme symboliquement à la jonction du passé et du présent. À l’image de son travail pour la langue bretonne. Ici, l’on émet exclusivement en breton, la seule avec Arvorig FM (qui commence à émettre également en 1998). Les deux font d’ailleurs partie du réseau Brudañ ha Skignañ (BHS), avec Radio Kreiz Breizh et Radio Bro Gwened. La ligne éditoriale est généraliste, avec des sujets autour de l’environnement, des luttes sociales, du tissu associatif et des solidarités.

On y parle de tout, du territoire qu’elle couvre, et de fait, de l’univers autour d’elle. Ce qui inscrit la langue dans le présent, dans le paysage sonore de la Basse-Bretagne et l’ouvre sur le monde. Loin des clichés : « lors d’une interview il y a quelques temps, un journaliste pensait que nous ne parlions que de fest-noz et de Diwan », se souvient amusé, Benjamin Bouard, animateur-technico-réalisateur à Kerne. Les archives amassées par la radio, de locuteurs natifs brittophones notamment, gardent, quant à elles, une trace du passé et des pratiques de la langue. Un travail de collectage important, amené à être écouté de tous à l’avenir, via une plateforme web. Quant à la musique : la playlist touche tous les styles, du métal au reggae, avec une appétence pour les musiques du monde et celles de Bretagne.

Une radio en breton pour le Finistère sud

La directrice de la programmation, Morgane Bramoullé, retrace l’histoire de la radio, pour laquelle elle travaille depuis 2012. « La naissance de Kerne vient d’un groupe de militant·e·s de la langue bretonne. À l’époque, dans le Finistère, il n’y avait que sur France Bleu que l’on pouvait entendre du breton ». Alors, de ce manque naît l’idée d’une radio où l’on n’entendrait que du breton. En 1998, Kerne obtient l’autorisation d’émettre : d’abord à Quimper sur le 90.2, « l’antenne est sur le château d’eau d’à côté », explique la jeune femme. Puis ça sera Concarneau / Quimperlé / Rosporden sur le 97.5 en 2007 et Douarnenez sur le 92.0 ; soit une bonne partie du sud Finistère « on peut nous entendre jusque sur les hauteurs de Brest », précise avec le sourire Morgane.

Radio Kerne se met à l’aise dans des locaux partagés (un gymnase est à côté par exemple) et mis à disposition par la ville de Plonéis. 174 mètres carrés : un espace conséquent. Mais qui n’était pas prévu au départ, « une partie de nos locaux ne devait pas exister, mais à la construction, il y a eu une erreur de l’architecte », raconte la directrice des programmes. Soit trois pièces supplémentaires, qui laissent une marge de progression à l’équipe. « C’est vrai que de ne pas être limité en termes de place, ça permet de s’agrandir plus facilement », reconnaît Morgane, dont les boucles brunes entourent un visage à l’expression douce et volontaire. Et d’accueillir souvent des stagiaires, jusqu’à deux fois par mois, avec notamment des élèves issus des formations continues en breton. Dont certains deviennent par la suite bénévoles. À Plonéis, une vingtaine sont investis dans l’association. Surtout, depuis septembre, l’équipe de Radio Kerne est passée à cinq salarié·e·s et va encore s’élargir au printemps avec une personne supplémentaire.

Une nouvelle dynamique

Des recrutements liés à une nouvelle dynamique, mise en marche il y a quelques années : « la radio a énormément évolué », résume Morgane. Notamment avec la création de Radio Naoned il y a trois ans. Avec l’arrivé du DAB+ en métropole nantaise, Radio Kerne a saisi la chance historique d’y implanter une radio brittophone. « C’est une annexe 3 », explique Morgane. C’est-à-dire qu’elle est considérée comme dépendante de Kerne par l’ARCOM, mais puisqu’elle émet sa propre programmation, elle est considérée comme une radio indépendante par le FSER. Mais attention, même s’il y a des émissions partagées, Kerne et Naoned ont une programmation différente. Eh oui : deux bassins de vie appellent à une programmation spécifique par territoire : radio locale oblige. Et depuis peu, l’association embauche également deux nouveaux salarié·e·s à Rennes. Une animatrice-reportrice et une personne dédiée à l’éducation aux médias. « C’est un pan que l’on a peu traité avant. Ces dernières années, on s’est rendu compte que la demande pour les scolaires était importante. Mais aussi pour les adultes en formation continue », explique Melaine Looten, le directeur de Radio Kerne.

Et pour l’avenir ? « Nous évoluons vers une dynamique d’enrichissement des productions que l’on propose. Faire moins, mais mieux ! ». Conclut Morgane Bramoullé, confiante.