Episode 2 – Radio Bro Gwened
CIRCUL’AB
Circul’AB est un projet de recherche participative qui explore les conditions de développement de l’agriculture biologique à l’échelle d’un territoire : Morlaix Communauté. Co-porté par l’Institut National de la Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement (INRAE), le réseau de Groupement des Agriculteurs Bio (GAB) et la Fédération Régionale des Agrobiologistes de Bretagne (FRAB), il s’est déroulé de juin 2022 à mai 2024 afin de questionner la ressource en nutriments disponibles et notamment l’autonomie en azote.
Il a été financé par la Région Bretagne dans le cadre dans le cadre de l’appel à projet « Recherche et Société ».
En partenariat avec

INTERVENANT·ES
Niels Bize, Chargé de mission Recherche & développement – filières animales biologiques de la Fédération Régionale des Agrobiologistes de Bretagne (FRAB) et co-porteur du projet Circul’AB
Antoine Boutier, ingénieur de recherche INRAE à l’UMR SAS, Rennes
Yann Évenat, technicien élevage et grandes cultures au Groupement des Agriculteurs Biologiques (GAB) du Finistère
Souhil Harchaoui, chargé de recherche INRAE à l’UMR SAS Rennes et co-porteur du projet Circul’AB
Aurélie Wilfart, ingénieure de recherche INRAE à l’UMR SAS Rennes
A propos
Ce 16 avril 2024 est un mardi pluvieux. Les averses constantes viennent arroser les vertes pelouses du lycée agricole Suscinio à Morlaix. Ce jour-là, les participant·e·s du projet Circul’AB s’y rejoignent pour le deuxième atelier participatif du projet, avant le webinaire qui conclura la recherche au mois de mai. Une salle de cours a été mise à disposition de l’équipe. Elle donne sur un jardin agréable, d’où l’on perçoit au loin, quelques grenouilles qui coassent. Huit personnes de l’équipe scientifique sont présentes, bientôt rejointes par une douzaine d’acteurs et actrices de l’agriculture biologique du territoire de Morlaix Communauté.

Niels Bize, chargé de mission Recherche & développement – filières animales biologiques de la Fédération Régionale des Agrobiologistes de Bretagne (FRAB) et co-porteur du projet Circul’AB anime l’atelier. Avec pédagogie, il revient sur la Genèse de ce projet de recherche participative qui a été co-écrit en collaboration entre l’INRAE et le GAB-FRAB, « sans prédominance de l’un ou de l’autre », tient-il à souligner. À l’origine de ce projet, une question : quel est le niveau d’autonomie de l’agriculture biologique sur le territoire de Morlaix Communauté et notamment en azote* ? Pour le moment, 10% des agriculteurs du territoire sont dans un modèle biologique.
Donc l’un des enjeux de cette recherche est de découvrir quels seraient les impacts en termes d’autosuffisance si l’on arrivait à un taux de 30%. Si des recherches en la matière existent déjà à l’échelle européenne ou mondiale concernant l’agriculture biologique, explorer celle d’une échelle locale constitue une nouveauté. Laquelle entend arriver à des conclusions plus précises. Le territoire de Morlaix a ses spécificités et contraintes, avec une agriculture orientée vers la production légumière et laitière grâce à un climat doux et qui comporte un accès à la mer. Ainsi, l’idée est de pouvoir modéliser les flux de nutriments, et donc de l’azote, à l’échelle dudit territoire et des fermes qui y sont implantées.
C’est là que rentre en jeu l’intérêt de la recherche participative. La méthode scientifique utilisée dans ce cadre est de soumettre directement les hypothèses élaborées en laboratoire aux acteurs de terrain. Par exemple, un des leviers qui pourrait amener à une autonomie en azote serait d’utiliser des déjections humaines. Mais les agriculteurs ne sont pas prêts à manier cette ressource et ce qu’elle représente. L’hypothèse n’est donc pas compatible avec un futur proche ou moyen. Réunir les acteurs de terrain permet ainsi de ne pas imaginer des transformations incohérentes vis-à-vis du territoire et des pratiques des agriculteurs.
Il était donc essentiel de les impliquer. Afin d’y arriver, les techniciens du GAB-FRAB ont utilisé plusieurs techniques pour créer la rencontre. D’abord par le biais de phoning, puis par des enquêtes de terrain et du recensement des pratiques sur la gestion des matières organiques au sein des fermes. Enfin, via la participation des acteurs aux webinaires et aux ateliers de recherche. Pour le technicien Yann Évenat, qui a travaillé sur toutes ces phases, « ce projet multipartenaire est plutôt rare, le côté transversal avec les scientifiques et les techniciens a été très intéressant ». L’un des succès de ce projet de recherche a été l’implication des acteurs, « ça s’est très bien passé, ça nous tenait à cœur d’avoir cette connexion », ajoute Antoine Boutier, ingénieur à l’INRAE.
Ce second atelier le prouve justement. L’idée, ce jour, est de confronter les travaux des scientifiques en laboratoire (à partir des informations glanées précédemment) avec les réalités du terrain. Antoine Boutier présente donc ses modélisations et rappelle « votre avis sur le terrain est très important, il n’y a pas de mauvaises réponses et j’encourage les gens à s’exprimer ». Les échanges sont sereins et éclairants. C’est un jeu de ping-pong entre les participants et les scientifiques. Ils imaginent alors les scénarios et revoient les calculs ensemble.
L’une des difficultés du projet de recherche a été de pouvoir accorder les agendas. Pas évident de pouvoir rassembler tous les acteurs de terrain et notamment les agriculteurs, très occupés sur leur ferme, en particulier au printemps. Comme pour tous les projets, il a fallu créer un vocabulaire commun. En effet, les flux d’azote ne sont pas formalisés de la même manière par les agriculteurs, les scientifiques ou les acteurs de l’agriculture biologique du territoire.
Pour Aurélie Wilfart, ingénieure en recherche à l’INRAE, « ce genre d’appel à projet « Recherche et Société », c’est une chance : échanger ça fait évoluer les mentalités hors des dogmatismes, cela permet de pouvoir se comprendre afin de réussir à avancer ». Souhil Harchaoui, chargé de recherche INRAE à l’UMR SAS Rennes et co-porteur du projet de recherche estime que « ce projet nous a permis de comprendre la réalité du terrain. Et d’œuvrer à la vulgarisation scientifique », et ajoute-t-il, « avec ce projet, nous voulons aussi vulgariser les flux, car on ne les voit pas. Si les agriculteurs et agricultrices les comprennent très bien, à l’échelle de Morlaix Communauté, ce n’est pas le cas de tous les acteurs de la filière ». Une belle manière de faire sortir la recherche des laboratoires !
Après un après-midi riche en échanges, Niels Bize conclut, « on a abordé pas mal de sujets différents, merci à vous pour toutes les ressources. Sans vos éléments, la modélisation a moins de valeurs. Merci beaucoup ! On est très optimiste ! ». Si les résultats de l’étude ont l’ambition de prendre en compte toutes les spécificités du territoire de Morlaix Communauté et ne seront pas applicables ailleurs, la méthodologie développée, elle, pourra être utilisée à de nouveaux territoires, voire à de nouveaux sujets.
Le projet a impliqué fortement Paul Salaün, Responsable de la cellule agricole et bocage, Service public de l’eau – An Dour (Morlaix).
* Note : L’azote est un élément indispensable à la croissance et au développement des plantes cultivées qu’elles trouvent dans le sol et dont dépend la productivité agricole. En agriculture conventionnelle, cet élément est apporté par des fertilisants de synthèse qui sont interdits en agriculture biologique.
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